Mot du Conseiller Spirituel

L’éducation religieuse et spirituelle de Franklin, une formation insuffisante ou  inachevée ?

La question peut paraître provocatrice mais elle n’est pas sans fondement pour trois raisons significatives. Tout d’abord la formation permanente s’impose naturellement dans tous les domaines, celui de la Foi en particulier,  car rien n’est jamais définitivement acquis. Ensuite, l’adolescence, temps des remises en cause, des rejets, puis d’une lente et  progressive réappropriation, correspond pour beaucoup à un champ difficile à travailler, des blocages se manifestent avant de se dénouer plus tard, la disponibilité est  provisoirement limitée. A la sortie de Franklin, pour la plupart, le domaine spirituel et religieux reste sinon en friche, du moins en jachère.   

Surtout, il faut le reconnaître, les années d’après-concile ont vu la désaffection pour des méthodes de transmission de la foi qui, sans doute, avaient fait leurs preuves au collège et au lycée mais qui apparaissaient alors surannées et inadaptées. La catéchèse au contenu indéfini se substitua au catéchisme que l’enfant apprenait ; de la nouvelle discipline un jésuite de Franklin put proposer cette  définition : « La catéchèse ne serait-ce pas  le catéchisme depuis qu’on ne sait plus comment faire ! » De fait, les signes se sont multipliés d’une crise de la transmission. Ici ou là,  à Franklin spécialement, la dérive fut  limitée : l’obligation de participation aux « séances de réflexion sur la Foi ou  les mœurs » fut courageusement maintenue, en contrepoint la messe hebdomadaire si elle figurait toujours en bonne place dans l’horaire pour chaque niveau, honorait la liberté de la petite minorité qui y participait ; si les retraites spirituelles de rentrée d’antan avaient été remplacées par des « journée de début d’année » profanes, une heureuse majorité participait encore aux solides retraites de la Pierre-qui-Vire, elles marquèrent certains ; de belles figures de pères spirituels, tels François Boyer-Chammard et Raymond Puech, maintenaient un contact chaleureux et souvent fécond avec une part significative des élèves, mais ce n’était pas la majorité. Pour beaucoup de ceux qui n’étaient pas totalement réfractaires au christianisme ou même en désir spirituel manifeste, la « structuration », la personnalisation de la foi restait à vivre après le Bac, comme certainement elle reste à vivre dans un autre contexte aujourd’hui.

A-t-on beaucoup, en effet, progressé depuis lors dans la transmission de la Foi ? La martingale  a-t-elle été trouvée ? Les données du problème se sont complexifiées. Beaucoup de parents semblent ne pas être pratiquants et la société française s’est, en quelque sorte, paganisée. La transmission  de la foi qui doit être respectueuse de la liberté de l’adolescent parait bien problématique. Certes le terrain est  bien labouré au petit collège, l’ensemencement continue au début du grand collège, on arrose généreusement, quelquefois même le bois mort, au lycée. Au terme, les efforts n’ont pas été vains. On rencontre  de vrais confirmés,  de belles pierres d’attente sont présentes, quelques éléments de la spiritualité ignatienne ont été explicitement approchés (bien plus aujourd’hui qu’autrefois) : le sens de la liberté spirituelle, la pédagogie de la relecture, quelques notions de discernement.

Dès lors, beaucoup de jeunes anciens élèves de Franklin et sans doute autant d’anciens anciens élèves ont consciemment, peut-être inconsciemment, besoin de structurer leur personnalité spirituelle, tout simplement il leur est nécessaire de nourrir leur foi. Ils gagneraient, peut-être, à s’alimenter joyeusement à la lumière de la spiritualité ignatienne. Encore faut-il qu’ils connaissaient les lieux où se restaurer. S’ils ont été heureux à Franklin, c’est, sans doute, qu’entre la pédagogie qui y est déployée et leur esprit, leur âme, il est des connivences. Alors il importe de trouver une nourriture goûteuse, dans les formations des Jésuites ou en coopérant avec eux. Je m’aperçois d’une part que beaucoup ignorent les propositions qui peuvent leur être faites et que le petit nombre qui les découvre en est très heureux. Aussi nous proposons-nous de porter régulièrement quelques pistes de formation ou d’action à la connaissance d’un côté des jeunes anciens encore en période d’études, de l’autre de ceux qui sont engagés dans la vie professionnelle ou au-delà. Quelques adresses précieuses seront permanentes, et l’un ou l’autre des musts seront un peu plus substantiellement présentés.

                                                                         

                                                                         Patrick Langue s.j., .professeur et père spirituel (1972 -1986).

                                                                                             Conseiller spirituel des anciens élèves de Franklin